samedi 27 janvier 2007

Qui est riche?




Toute campagne présidentielle, en France, obéit à des rituels. L'un d'entre eux est le déclenchement d'une polémique sur le seuil à partir duquel les Français sont supposés être assez riches pour pouvoir payer l'impôt. En fixant ce seuil à 4 000 euros net par mois, François Hollande a eu le courage de lancer le débat. Mais il l'a fait de façon si vague qu'il n'a réussi qu'à l'obscurcir.

De fait, le seuil de la richesse dépend d'abord de qui en parle: pour un ouvrier, est riche tout cadre qui gagne plus de 3 000 euros par mois, soit 2,5 Smic; pour un cadre, ne le sont que ceux, bien plus à l'aise que lui, qui peuvent accumuler du capital, c'est-à-dire les patrons (dont le revenu atteint 650 Smic), les artistes et les sportifs (qui gagnent jusqu'à 1 000 Smic) et, plus généralement, tous ceux dont la famille dispose d'un revenu supérieur à 6 Smic. En réalité, la définition de la richesse ne dépend pas que du revenu, ni même de la capacité d'épargne, mais découle surtout du capital déjà disponible, qui permet de vivre mieux avec un revenu plus faible. La richesse se reçoit plus qu'elle ne se gagne; elle est sédentaire (la terre, le logement et tous les autres biens fonciers) ou nomade (un portefeuille financier, un diplôme, un niveau culturel, un réseau de relations, un niveau de compétence).

En France, la richesse sédentaire est très bien vue et peu taxée, alors que la richesse nomade est la cible de tous les législateurs: on admire, on respecte et on envie ceux qui héritent d'un patrimoine; on se méfie de ceux qui cherchent à s'en constituer un par leur travail et on les méprise. Ainsi le travail est-il puni par des taxes très élevées quand il permet d'épargner, alors que le capital ne l'est presque pas quand il est hérité.

Il est urgent de changer cela, en proclamant que le scandale est non pas la richesse, mais la pauvreté; en affirmant que l'impôt doit être payé par tous, et pas seulement par ceux qui gagnent le plus d'argent par leur travail; en reconnaissant qu'il n'y a aucune raison qu'une fortune sédentaire soit transmise au-delà de deux générations. Si cela n'est pas fait, le pays se divisera bientôt entre ceux qui n'auront plus les moyens de payer l'impôt et ceux qui trouveront les moyens de ne plus le payer.

j@attali.com

1 commentaire:

Monique a dit…

Le pays se divisera bientôt entre ceux qui n'auront plus les moyens de payer l'impôt et ceux qui trouveront les moyens de ne plus le payer...
On se méfie de ceux qui se sont constitués un patrimoine par leur travail et on les méprise!!!
Par contre peu de jeunes pourront acquérir un bien immobilier seuls...