vendredi 20 avril 2007

La mémoire dans tous ses états

Ne ditons pas avoir une mémoire d'éléphant...

LEXPRESS.fr du 11/04/2007

Mobilisation contre AlzheimerEstelle Saget

Face à la maladie, la médecine joue la prévention. Mieux manger, exercer le corps et le cerveau, des pistes existent. Quant à un traitement...

Les pertes de mémoire peuvent être provoquées par d'autres pathologies qu'Alzheimer. Dans le cas de la maladie de Pick, le patient éprouve des difficultés à s'exprimer et à suivre un enchaînement d'idées. Citons aussi la prosopagnosie (amnésie des visages) ou la démence sémantique (difficulté à comprendre des mots courants). La personne souffrant du syndrome de Korsakov conserve ses souvenirs anciens, mais ne peut plus acquérir de nouvelles données. Signalons enfin la paramnésie, ou l'impression de déjà-vu, un syndrome expérimenté occasionnellement par 70% des gens, mais qui peut devenir une pathologie.

Le Pr Bruno Vellas ne se fait pas d'illusions: le médicament de la guérison contre la maladie d'Alzheimer (près de 1 million de malades en France) n'est pas pour demain. Ce gériatre du CHU de Toulouse, coordinateur du consortium européen pour cette pathologie, estime que, à l'heure actuelle, «la recherche offre surtout de bonnes perspectives pour prévenir la maladie, ralentir son évolution et limiter ses complications». Il la compare volontiers au diabète ou aux problèmes cardio-vasculaires, des affections dans lesquelles l'hygiène de vie joue un rôle primordial.

De nombreux facteurs influencent en effet le cours de cette maladie, qui affecte notamment la mémoire. Premier facteur: l'alimentation. Les spécialistes recommandent un régime comportant suffisamment de poisson, capable d'apporter des oméga 3, de l'acide folique et certaines vitamines. Vient ensuite l'activité physique. Le CHU de Toulouse a ainsi proposé un cours collectif expérimental à base d'exercices de musculation, d'équilibre et de souplesse, destiné aux pensionnaires des maisons de retraite atteints par la maladie. Résultat: un an après le début du programme, la perte d'autonomie dans les tâches quotidiennes - marcher, s'habiller - était moindre chez les participants.

Aux Etats-Unis, une équipe de l'université de Pennsylvanie vient d'obtenir un effet similaire en faisant travailler, cette fois, le cerveau. Elle a dispensé dix séances d'exercices de mémoire et de logique à des patients vivant toujours chez eux. Cinq ans plus tard, les chercheurs ont pu constater que le déclin de leurs capacités intellectuelles avait été ralenti.

Reste à savoir comment empêcher, ou retarder, le déclenchement de la maladie chez des seniors en bonne forme. C'est l'objet de deux études menées actuellement en France, par l'équipe Inserm du Pr Vellas. Dans la première, les chercheurs ont administré pendant trois ans des extraits de ginkgo biloba, un arbre asiatique, à des personnes âgées se plaignant de troubles de la mémoire. Dans deux ans, ils sauront si les sujets sont moins touchés par la maladie d'Alzheimer que les autres. La seconde étude, prévue pour l'été, doit tester l'effet préventif d'un programme incluant toute la palette des interventions possibles: activité physique, exercices cognitifs, principes nutritionnels et même dépistage des problèmes de vue ou d'audition.

Les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas pour autant renoncé à trouver de nouveaux traitements. Plus de 60 molécules sont en phase de test sur les humains. Mais, en attendant, les méthodes alternatives aux médicaments ont gagné leurs lettres de noblesse. «Les médecins ont enfin pris conscience que la stimulation des patients sous toutes ses formes - musique, promenade, mots croisés - est aussi indispensable que la prescription de comprimés», se félicite Guy Le Rochais, porte-parole de l'association des familles de malades, France Alzheimer. Un acquis, quelles que soient les découvertes de demain.