Pour des millions d'internautes, c'est un geste banal et quotidien. On ouvre l'ordi, on ouvre le navigateur, et on commence une recherche sur Google. Le nom est même passé dans le langage courant. Comme dans «je vais aller "googler" ça et revenir avec la réponse».
Mais combien d'internautes savent vraiment comment fonctionne cette compagnie? Quels sont ses objectifs? Ses projets?
Google est omniprésente, tentaculaire; comme Dieu, elle est partout. Sur le plan mondial, Google pourrait devenir bientôt le numéro un absolu de l'informatique, devant Microsoft.
Google s'est même invitée dans la campagne électorale québécoise. On apprenait ces derniers jours que le Parti libéral avait en effet «acheté» les noms de candidats du PQ pour faire en sorte que lorsqu'on fait une recherche sur Google sur un candidat péquiste, un hyperlien commercial nous transporte sur la page d'accueil du Parti libéral!
Et on rappellera que le Directeur général des élections a fait retirer la semaine dernière des vidéos critiquant le Parti libéral qui étaient diffusés sur Google Video ainsi que sur YouTube, compagnie achetée l'année dernière... Par Google, justement.
L'hyperlien commercial qui a tant intéressé le Parti libéral, ce sont les fameux AdWords, qui sont affichés à droite sur la page de Google lorsque vous faites une recherche, et qui s'affichent en complément aux principaux résultats situés à gauche.
C'est d'ailleurs la base de la formidable richesse de Google, une compagnie dont le développement ne correspond à rien de connu. Car Google offre aux utilisateurs un produit gratuit, un moteur de recherche essentiel pour pouvoir s'y retrouver sur Internet. Mais en même temps, elle vend aux enchères, dans tous ses bureaux du monde, les mots-clés sur tous les sujets possibles et imaginables. Chaque fois que l'on clique sur une suggestion «payée» de Google, sur un de ces mots-clés, l'entreprise empoche quelques sous. Des sous qui, en fin d'année, se sont transformés en milliards de dollars.
Coup sur coup nous recevions récemment deux livres consacrés à l'empire Google. Google-moi est écrit par Barbara Cassin, une philosophe, philologue, spécialiste de l'Antiquité (he oui!), qui tente une réflexion philosophique sur le phénomène.
Plus journalistique, et plus simple pour le commun des mortels, Comment Google mangera le monde, aux Éditions L'Archipel, est écrit par Daniel Ichbiah, un auteur français qui a écrit plusieurs livres sur la culture populaire. Il nous raconte en détail le parcours stupéfiant de Sergey Brin et Larry Page, ces deux fous d'informatique, issus tous les deux de familles de mathématiciens et d'informaticiens, qui se sont rencontrés en 1995 à Stanford avant de développer un empire que personne n'avait vu venir.
Un empire complètement déconcertant, puisqu'il ne vend rien au simple utilisateur, et qu'il ne cesse de proclamer vouloir faire le bien et améliorer le sort de l'humanité.
Un empire basé sur une seule idée: les moteurs de recherche des années 90, comme Alta Vista, proposaient des suggestions pas toujours pertinentes. Les fondateurs de Google ont alors conçu une formule mathématique, un algorithme complexe et ultrasecret, la formule PageRank, qui permet de classer tout ce qui se trouve sur Internet selon la pertinence et le nombre de fois où chaque site est recensé. Le tout nécessite une colossale force de calcul (l'année dernière, les experts ne s'entendaient pas pour savoir si Google disposait de 200 000 ou de 500 000 serveurs!)
De plus, les deux fondateurs n'en ont fait qu'à leur tête, en conservant un moteur de recherche sobre, alors que tous leurs concurrents tentaient de développer des portails qui proposaient une foule de services et de bannières commerciales sur leur page d'accueil, qui ont fini par faire fuir l'internaute.
Mais la formidable puissance de Google inquiète. Chaque requête faite sur le service serait conservée, ce qui permettrait théoriquement à l'entreprise de tracer un portrait complet de la consommation de chaque individu. Une menace purement virtuelle pour le moment, explique l'auteur du livre, mais au même titre qu'un nation pacifiste qui accumulerait d'immenses capacités de combat...
Le projet très altruiste de vouloir numériser les livres des bibliothèques du monde soulève la colère, particulièrement en Europe, où l'on accuse Google de passer outre au droit d'auteur et de préparer une vision américaine du monde pour les générations futures.
À San Francisco, Google a commencé l'année dernière à offrir Internet sans fil gratuitement aux habitants, avec l'accord de la municipalité, se réservant le droit d'inclure des liens commerciaux à cet accès Internet. Le service pourrait s'étendre, et certains observateurs croient que Google se placera bientôt en situation de pouvoir contrôler TOUT Internet. Du délire? Ichbiah recense aussi les plus folles rumeurs qui circulent autour de l'entreprise, comme ce projet probablement absurde qui consisterait à pouvoir écouter le bruit ambiant autour de votre ordi grâce au microphone intégré à l'ordinateur. En tout cas, ce n'est pas Google qui élira le prochain gouvernement. Pas cette fois-ci.