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SANTE - RECHERCHE -
Plus de 200 biothérapies contre le cancer
[ 30/08/07 ]
Plus de 400 essais cliniques faisant appel à des biomédicaments sont actuellement en cours dans le monde. Près de la moitié visent les cancers.
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Dans la course aux biothérapies, la position des industriels français n'est guère brillante. |
Le premier vaccin thérapeutique contre les glioblastomes - la forme la plus sévère des tumeurs cérébrales - vient d'être commercialisée en Suisse par la start-up américaine Northwest Biotherapeutics. La firme californienne Geron, spécialiste des thérapies cellulaires, va démarrer bientôt les essais cliniques d'une nouvelle classe d'anticancéreux : les inhibiteurs de la télomérase. Ces molécules sont destinées à lutter contre une forme grave et très répandue du cancer du poumon (*). Une équipe de chercheurs de l'Institut Weizmann en Israël a récemment publié dans une revue spécialisée (**) les mécanismes biologiques contrôlant la migration des cellules tumorales dans l'organisme. La découverte de ces nouveaux messagers biologiques pourrait déboucher sur une approche originale de la lutte contre la maladie, en limitant la formation des métastases.
Ces annonces récentes, choisies à des phases différentes de développement, témoignent de la vitalité de la recherche en cancérologie. La première fait appel à un concept très prometteur qui atteint enfin la maturité : l'immunothérapie. En éduquant les cellules dendritiques naturellement présentes dans le sang, on les force à produire des bataillons de lymphocytes tueurs. Bien éduqués, ces commandos spécifiques à un seul patient sont capables de pister et d'éliminer les cellules cancéreuses circulant dans le sang ou agglomérées dans une tumeur solide.
La seconde technique s'attaque aux cellules tumorales souches qui dorment dans certains sanctuaires de l'organisme. Ces formes « dormantes » et mal connues résistent aux chimiothérapies classiques. Elles sont peut-être à l'origine de tous les cancers et provoquent des récidives quand elles sont « réveillées » par un événement inconnu. Le démarrage des essais cliniques aux Etats-Unis (phase 1) ne garantit pas le succès. Il faudra attendre encore plusieurs années pour savoir si cette piste peut donner naissance à une famille de traitements.
La troisième voie doit permettre de comprendre comment une cellule se détache d'une tumeur et entame son voyage mortifère dans les vaisseaux sanguins. Et pourquoi elle se décide à quitter son environnement, en brûlant tous les feux rouges biologiques qui lui interdisent en principe de déserter son poste. Il s'agit cette fois de travaux fondamentaux sur le langage cellulaire. Ces avancées vaudront peut-être un prix Nobel à ses découvreurs. Elles trouveront sans doute des applications thérapeutiques dans une dizaine d'années.
Ces découvertes révèlent la force de frappe de ces biomédicaments supposés ouvrir une nouvelle page dans l'histoire de la pharmacie. Selon les statistiques de l'association des industriels américains de la pharmacie (PHRMA), 418 essais cliniques faisant appel à des biothérapies sont actuellement en cours, toutes pathologies et tous stades de développement confondus. La liste comprend des vaccins préventifs ou thérapeutiques, des facteurs de croissance, des protéines, des hormones ou des enzymes recombinantes, des thérapies géniques ou cellulaires et des anticorps monoclonaux.
Riche portefeuille
Autant de molécules désormais fabriquées à bon compte par des organismes vivants modifiés génétiquement. Une bonne partie ne passeront pas tous les obstacles réglementaires et seront recalés en cours de route. Mais ce bilan record confirme le poids économique et l'intérêt thérapeutique de cette filière. Les déboires actuels du leader mondial du secteur, l'américain Amgen (qui taille sérieusement dans ses effectifs et son budget de recherche) ne remettent pas en cause l'intérêt de la filière biotech.
Le portefeuille actuel des biomédicaments en développement est riche de 210 anticancéreux, 50 molécules ciblant les maladies infectieuses, 44 les maladies auto-immunes et 22 le sida et les pathologies opportunistes associées au VIH. Il comprend aussi des traitements contre les maladies neurologiques (17 produits), le diabète (15), les pathologies digestives (14) ou les maladies du sang (10). Les anticorps monoclonaux sont devenus les champions de la lutte contre les tumeurs. Plus de la moitié du pipeline fait appel à des « Mab » (Monoclonal antibodies) et tous les industriels de la pharmacie ont plusieurs fers au feu dans ce domaine.
La position des industriels français n'est pas très reluisante. Sanofi n'a jamais vraiment cru aux biotechnologies et le rachat d'Aventis ne l'a guère fait changer d'avis. La division vaccins du groupe (Sanofi Pasteur MSD) héritée de la fusion est présente dans la liste avec ses deux candidats vaccins contre le sida (une version préventive et une thérapeutique). Dans le domaine du cancer, le groupe mène deux projets (colorectal et mélanome) testés dans des phases très précoces. La firme strasbourgeoise Transgene continue ses essais de thérapie génique contre certaines formes de cancers (lymphome et poumon, les deux en phase 2).
Finalement, le seul produit de cette famille fabriqué en France (un Mab humanisé contre certaines formes d'asthme) est l'oeuvre du suisse Novartis dans son usine alsacienne d'Huningue près de Bâle (voir « Les Echos » du 4 juin 2007). C'est actuellement l'unique anticorps monoclonal approuvé et fabriqué dans des installations industrielles hexagonales. Le laboratoire Pierre Fabre et Merck ont signé un accord de codéveloppement pour un anticorps humain dirigé contre un récepteur cellulaire (IGF-1) présent à la surface de nombreuses cellules cancéreuses (voir « Les Echos » du 18 septembre 2006). Si bien que la situation de dépendance de la France pour ces biothérapies reste de devenir quasi totale dans les années qui viennent.
ALAIN PEREZ