Après les infirmières espagnoles sollicitées au début des années 2000 pour faire face à la pénurie, voici les médecins européens appelés au secours par les hôpitaux et cliniques. «Le phénomène prend de l'ampleur», la filiale d'Adecco spécialisée dans le recrutement de cadres médicaux. Principales cibles: l'Italie, l'Allemagne, la Belgique. Le directeur du centre hospitalier psychiatrique d'Auxerre vient quant à lui de s'adresser à l'Arime (Association pour la recherche et l'installation de médecins européens), active dans les pays d'Europe de l'Est (Pologne, Roumanie...). «Le problème, c'est que la France commence seulement à s'intéresser à ces pays, alors que la Grande-Bretagne, confrontée aux mêmes problèmes, est déjà largement présente».
Les salaires proposés - autour de 1 500 € par mois pour des infirmiers débutants - constituent un réel obstacle pour attirer les candidats, notamment dans les régions où le coût de l'immobilier est élevé. (L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris), qui gère 38 hôpitaux de la région parisienne, l'a bien compris. Ne sachant plus que faire pour mettre la main sur les 1 200 professionnels de santé qui manquaient à l'appel, l'organisme s'est lancé, voici deux ans, dans une opération séduction de grande envergure: l'AP-HP a multiplié les forums dans les écoles, simplifié et accéléré sa procédure de recrutement, créé un site Internet destiné à promouvoir ses offres d'emploi et mis en place une hot line, tenue par des infirmiers, destinée à répondre aux questions des candidats sur les conditions de travail et les perspectives de carrière. Pièce maîtresse du dispositif: la location aux nouvelles recrues de studettes à prix «cassé» (150 € par mois, soit trois à quatre fois moins cher que le prix de marché) pour une durée maximale de deux ans. Relayé par des campagnes de communication dans la presse et la radio, ce vaste plan de recrutement a porté ses fruits: le déficit de personnel soignant a été réduit de moitié.
Pour augmenter leur pouvoir d'achat, les personnels de santé disposent de méthodes plus radicales: déménager en Suisse, par exemple, un pays lui aussi en manque de personnel, permet de doubler son salaire! Cyril Riffaudeau a obtenu le même résultat en optant pour l'intérim. Sollicité à plusieurs reprises pour une embauche par les hôpitaux et cliniques dans lesquels il effectue des remplacements réguliers, cet infirmier de bloc opératoire a toujours décliné les offres: «J'ai un argument imparable, justifie-t-il. Quel établissement peut m'offrir le même salaire et les mêmes conditions de travail qu'en intérim? Aucun!» Cyril n'est pas prêt à renoncer à cette liberté de travailler quand bon lui chante. «Compte tenu du manque de personnel dans les établissements de santé, prendre des vacances quand on le souhaite est devenu un luxe», savoure-t-il...
La concurrence ne fait pas rage seulement pour les infirmiers ou les manipulateurs radio. Afin de ne pas devenir des déserts médicaux, les conseils régionaux de Picardie et de Bourgogne ont financé des programmes de bourses pour inciter les internes de médecine à rejoindre les hôpitaux régionaux à la fin de leurs études ou à s'installer comme généralistes en milieu rural. Les candidats s'engagent à travailler dans l'un des établissements qui participent à l'opération durant le nombre d'années correspondant au temps de versement de l'allocation. Le système est le même que celui des allocations d'études versées aux infirmières par les hôpitaux. Florence Boulot vient de profiter de l'aubaine: cette interne en pédiatrie empochera les 400 € par mois contre l'engagement de rester deux ans à l'hôpital de Saint-Quentin (Aisne).
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